Commentaire composé : Mes Idées extrait de Enfance

Introduction

Cet extrait se situe à la fin d’un long fragment consacré aux « idées » qui obsèdent l’enfant et la torturent : « maman à la peau d’un singe » ou « elle (poupée) que ma maman ». Dans cette partie, l’idée qui la taraude est : « maman est avare ». Ce sont autant de phrases qui détruisent l’image maternelle et affirment le sens critique de l’enfant.

Natacha est sur le point de quitter définitivement la Russie et sa mère. Par la découverte de la mesquinerie de la mère, elle l’a met symboliquement à mort, s’en détache comme pour anticiper la séparation physique qui aura lieu prochainement.

Nathalie Sarraute nous peint ici l’une des étapes de la formation de son esprit critique, topos de l’autobiographie traditionnelle : construire sa personnalité propre, se détacher de sa mère pour penser par soi-même.

Nous verrons toutefois que ce détachement est ici empreint de pathétique, ce qui tient à la situation familiale de Natacha et à son départ imminent pour Paris.

I. L’Emprise des idées et la souffrance de la petite fille

1. La passivité de l’enfant

« Habiter » (l.15) ; « elle a du se glisser en moi » (l.21)

L’enfant est donc un objet. Le sujet est : « elles » qui correspond aux idées. « J’essaie de l’empêcher d’entrer » (l.70)

2. Personnification des idées

« Elle » est sujet. Des verbes d’action caractérisent les idées « se glisser ». La personnification est faite en bête sauvage : « elle rôde », « elle guette », « à l’affût », « prête à bondir », « l’idée me dévore, me déchire »

3. La souffrance de l’enfant

Registre pathétique présent dans le texte : les repas sont qualifiés de « supplices ». C’est une souffrance à la fois physique et morale. Analogie entre souffrance et migraine dans le deuxième paragraphe.

L’« idée » est « cruelle ». C’est même « la plus cruelle de toutes ». Elle est obsessionnelle : « toute prête » (l.53) ; « toujours là » (l.75)

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Comment expliquer la souffrance psychologique de la petite fille si ce n’est par la culpabilité qu’elle ressent.

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II. La Culpabilité de l’enfant

1. Origine de la culpabilité

Attachement à la mère (1ér paragraphe) dont elle sollicite toujours l’attention. « ostensiblement » (l.3)

Natacha culpabilise de croire aux propos de la bonne au sujet de sa mère.

2. Les façons de désigner la culpabilité

« mal honteux » ; « mal secret » : à la fois péjoratif et naissance d’une intimité (secret). « une véritable folie » (l.19). Natacha trahit sa mère, en devient folle, d’où la honte de l’enfant.

3. Réactions de la petite fille au cours du repas

Elle se sent coupable de critiquer sa mère. Un jour, sa mère sert équitablement, Natacha s’en réjouit : « j’exalte » (hyperbole), « Ah quel bonheur ». L’enfant excuse alors sa mère (l.66-67)

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Il y a ici volonté d’excuser la mère par la maladie ou la folie par la petite fille. Or cette idée n’est pas un fantasme comme les précédentes. Si bien que nous sommes entrain d’assister à la naissance de l’esprit critique de l’enfant et à la séparation symbolique d’avec sa mère.

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III. La séparation symbolique avec sa mère et l’afirmation de sa personnalité

Il n’est pas fortuit que ce fragment précède le départ de Natacha pour la France. Ici se joue la séparation symbolique par l’enfant de sa mère. Il réalise pour la première fois que sa mère n’est pas un modèle de perfection.

1. Le "mes" de "mes idées" : naissance d’une intimité

« Secret » montre l’intimité nouvelle de la petite fille.

2. La mère n’est plus une confidente

« Je ne peux plus si elle me demande, lui répondre » (l.44-45). Dans le troisième paragraphe : « elle a fort heureusement précédé de peu mon départ ». Le départ de la mère est donc souhaité par sa fille.

3. Découverte de la mesquinerie maternelle

Présence de témoins : les bonnes. Cette fois ci, Natacha a une preuve visuelle, irréfutable : « j’ai vu » (l.34).

Les points de guillemets montrent l’étonnement de la fillette. Renforcé par « oui »

L’événement est rapporté en direct : le temps de l’écriture correspond au temps de l’événement. Ce qui prouve la fidélité du texte.

4. Mise en cause de la mère

Le « Elle » entre guillemets qui désigne la mère. C’est une sorte d’accusation. « Maman ne traite pas bien Gacha ... pourtant si pâle ». Les points de suspension marque un rapport de cause à effet.

L’accusation est faite indirectement : « comme toujours, je n’ai pas la force de reconnaître et d’accepter la vérité » (l.52)

L’idée qu’a l’enfant est la vérité. Le sens critique de l’enfant est né

Cette scène met un terme à la série des « idées » qui contestaient chacune l’autorité maternelle. Cette idée est bien différente des autres où l’on pouvait lire la provocation de l’enfant. Ici la fiction rejoint la réalité : l’idée n’est plus un fantasme : elle est réalité. Natacha a par conséquent raison et son idée n’est plus la sienne, propre. Elle est capable de juger sa mère.

Rappel : dans l’incipit (cf. LA2), La fille mettait à mort symboliquement sa mère.

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