Commentaire de "La contagion de l’exemple sur les jeunes cerveaux" de Bernanos

Intro :
Texte écrit au Brésil en 1944 publié en France en 1947 (1ans après sa mort). Nous allons essayer de montrer la particularité du texte. Formellement violent et intellectuellement très rigoureux. C’est une réflexion sur les menaces qui pèsent sur la liberté. Le point de départ ne paraît pas d’emblée originale. Il rappelle une constante de l’histoire. L 3 « tous les régimes au cours de l’histoire ». Les régimes ont cherché à détenir le pouvoir le plus large possible. A réduire, à entraver, voir abolir les liberté des citoyen. Ce qui lui paraît l’originalité des temps modernes : les outils, la technologie moderne qui entre les mains des pouvoirs politiques est redoutable.
Cette technologie est séduisante et ce que Bernanos croit comprendre, c’est qu’elle est le moyen d’amener l’homme moderne à consentir à la perte de sa liberté et donc à acquiescer à sa propre aliénation parce que l’homme succombe facilement aux progrès de la technologie.

L’homme applaudit à sa propre dépossession. C’est possible par la convergence par un certain nombre de facteurs.
Il s’agit de manière artificiel de créer et d’entretenir un certain nombre de besoins
Ce danger a un piège : On ne peut nier que cette technologie apporte un confort de vie incontestable.

Bernanos décrit d’abord et annonce la société de consommation. L’individu cesse d’être un citoyen libre pour devenir une sorte d’obsédé de la consommation tout entier fixé à la course à l’objet au nom du progrès et de la modernité.
2 réalités antithétiques : ce qui disparaît l.10 « les libertés supérieures », (libertés fondamentales) à l’opposé apparaît l. 18 la technologie « frigidaire »
l. 34-35 : les innombrables servitudes. L’illustration de la liberté contre la servitude est l’image qui se présente comme une prétérition. : « il est évidemment difficile…». C’est l’image du « guichet de l’Etat », c’est à dire cet échange de la liberté contre les technologies.
l. 30 il associe « le confort » à « un embellissement de la vie », par une ruse de la raison : Cette constatation du confort matériel qui va aboutir au besoin et finalement à une perte de la liberté. La société moderne la présente comme la figure la plus complète et parfaite de la société simplement parce que ces outils sont fait pour la plupart pour nous libérer de très vieilles servitudes. On va être finalement dépossédé de la liberté au nom de la liberté. L’homme pense grâce au progrès s’être libéré d’un certain nombre de contraintes matérielles.

L’écriture polémique :

Le verbe « troquer » : verbe qui désigne la forme primaire, rudimentaire du commerce. Bernanos emploie ce verbe comme le signe d’une régression. Comme si le progrès était paradoxalement le retour à l’obscurantisme des premiers âges.
2e manière d’évoquer une régression : l. 23 : les objets qui sont de plus en plus sophistiqués qu’il appelle « joujoux mécaniques ». Onomatopée du vocabulaire enfantin = > qualification dépréciative. Il utilise pour dire son angoisse du progrès de manière à la fois habile et amusante le vocabulaire de l’enfant comme si l’homme égaré par la technique redevenait enfant.

Les jeux rhétoriques : des figures qui expriment l’irritation, l’indignation contre le danger qu’il voit. L’accumulation l. 8 pour souligner quelque chose on multiplie les dénominations : 3 adjectifs. « énormes, incroyables, incomparables ». => écriture de la redondance. Manière de créer des effets en martelant les mots.
l. 27-28 : gradation : « tourne à la manie, au vis » : «manie» = vient du grec folie, « vis » = forme la plus lourde de la faute. On passe de la constatation à la conséquence. Il y a le jugement moral qui vient s’ajouter à la constatation psychologique.
l. 35 : Antithèse : « servitude » / « indépendance » sur le plan intellectuel.
Dans l’écriture argumentative, lorsqu’on cherche à mettre en garde, à polémiquer, à faire une démonstration , la phrase courte se prête assez mal. Ici la phrase qui se prolonge témoigne d’une révolte intellectuelle qui le caractérise.

Dimension visionnaire : Le monde est en guerre en 1944. C’est une économie de guerre mais surtout un quotidien de guerre. Bernanos annonce une société de confort et d’abondance. Il prédit les 30 glorieuses qui se terminent par le premier choque pétrolier en 1973. Sophistication sans cesse affiné par la modernisation. Le jeu quotidien de séduction qu’exerce la pub.