Article " Guerre "

 

PRÉSENTATION DU TEXTE

L'article " Guerre " du Dictionnaire philosophique aborde un thème repris de nombreuses fois dans des textes polémiques de l'époque des Lumières.

Cette insistance témoigne de l'intérêt des philosophes pour un problème qui n'a rien de nouveau en lui-même mais qui trouve de nombreux échos dans leurs préoccupations à la fois humanistes et humanitaires.

Dénoncer la guerre, c'est en effet souligner l'absurdité d'un état de violence et de destruction qui saccage des vies humaines et brise l'économie d'un pays. C'est aussi mettre l'accent sur la responsabilité des princes qui usent de pouvoirs arbitraires pour envoyer au massacre, par caprice ou par ambition personnelle, des armées entières dont le recrutement lui-même est contestable. C'est enfin dénoncer avec vigueur, comme le fait Voltaire, l'absurdité des causes, l'incohérence de ce qui généralement détermine les conflits. Avec un mélange d'ironie et de réalisme, Voltaire met en évidence tous ces aspects dans un texte composé de petits paragraphes morcelés dont les liens logiques ne sont pas toujours apparents. On a ici un exemple assez représentatif de l'article de dictionnaire, qui fait, par juxtaposition, le tour d'un problème en analysant ses différents aspects.

ANALYSE DU TEXTE PARAGRAPHE PAR PARAGRAPHE

Mise en évidence de l'idée essentielle, de la tonalité et des liens logiques.

Paragraphe 1 : le texte commence par un cas particulier énoncé sous forme narrative, au présent. Il s'agit d'un " casus belli " présenté avec le plus grand sérieux sous une forme volontairement administrative. Le responsable est donné en premier un " généalogiste ". Les étapes sont données successivement, sous la forme d'un exposé récapitulatif qui insiste particulièrement sur deux notions : le temps et l'éloignement à la fois temporel et familial des belligérants. Les données sont les suivantes :

- existence d'un pacte ancien (3 ou 4 siècles) entre deux familles dont l'une a disparu ;

- visées de la deuxième famille sur une lointaine province ;

- décision d'un membre de la première famille de considérer la province en question comme lui revenant de " droit divin " (il n'y a à cela aucune justification) ;

- organisation d'une expédition militaire pour faire main basse sur la province en question (malgré les protestations de ses représentants). On note l'évocation concrète de l'armée (costume et exercice).

 

Paragraphe 2 : poursuite du récit sans lien logique apparent. Il s'agit du développement du conflit par l'entrée en scène " d'autres princes " amateurs de guerre, prévenus par la rumeur publique (ils ne sont aucunement concernés).

 

Paragraphe 3 : il s'inscrit dans la continuité de l'histoire et marque une étape supplémentaire. Le phénomène mis en relief est double. Il y a d'abord un effet de grossissement des troupes. L'intervention d'autres peuples est justifiée par l'intérêt financier (assez maigre cependant). On note ensuite l'absence de réel choix pour un camp ou pour l'autre (l'image est celle des mercenaires), ce qui insiste sur l'absence de motivations autres que l'argent.

 

Paragraphe 4 : il est très bref et sert à rappeler que ces différents combattants, très nombreux puisqu'il est question de " multitudes ", ne savent absolument pas de quoi il est question, ni quelle est l'origine du conflit.

 

Paragraphe 5 : les aléas de la guerre. Voltaire souligne ici les différentes combinaisons possibles d'alliance (3/3, 2/4, 1/5) et le point commun, qui est le goût de la destruction.

 

Paragraphe 6 (nettement plus long) : pas de lien logique apparent, la filiation se fait sur un plan thématique et lexical, par reprise de termes évoquant la guerre (" cette entreprise infernale "). Ce paragraphe fait apparaître une idée nouvelle, qui est l'association guerre/religion et la mise en question d'une justification religieuse. L'invocation du nom de Dieu comme caution des massacres est ici violemment dénoncée sur un ton extrêmement ironique (décalage entre les termes désinvoltes, légers ou admiratifs et l'horreur évoquée). L'allusion aux cérémonies de Te Deum se fait par l'allusion aux chants (très dépréciés ici) qui sont utilisés pour cette célébration.

 

Paragraphe 7 : reprise de l'idée de religion dans son association à la guerre. Opposition entre la religion naturelle et la " religion superficielle " qui cautionne et encourage la guerre.

 

Le texte ne comporte pas d'idées particulièrement difficiles à rendre dans un résumé. Ce qui peut poser problème en revanche est le morcellement en paragraphes, qui oblige à des regroupements, l'absence de liens logiques explicites, l'extrême " densité " des idées, le caractère narratif du texte et sa tonalité ironique. En faire le résumé constitue pour ces différentes raisons un exercice intéressant et utile.

 

RÉSUMÉ (à faire en 165 mots ± 10 %)

La famille lointaine d'un prince était en relation avec une autre famille qui avait quelques visées sur une province. Cela suffit pour que le prince affirme avoir des droits sur ladite province, pourtant fort éloignée. La province a beau protester, le voilà qui recrute, arme, forme une armée. D'autres se joignent à lui ; d'autres encore, attirés par quelques sous, se vendent au plus offrant. Aucun d'entre eux n'est réellement concerné, aucun ne sait de quoi il s'agit. Leur seul point commun est qu'ils haïssent et détruisent allégrement, à deux contre trois, ou à un contre cinq.

Il y a plus beau encore ! C'est au nom de Dieu que chacun tue. Une petite destruction n'entraîne point de remerciement mais un superbe massacre justifie de grandes actions de grâces : on chante, comme pour les heureuses occasions, des chants incompréhensibles et mal composés.

La religion naturelle éloigne l'homme du crime mais la religion artificielle engendre toutes les horreurs, que chacun commet pour sa propre paroisse.

(Résumé fait en 171 mots.)