Commentaire de « la ville » d’Emile VERHAEREN


I- Un poème qui représente la ville industrielle de la fin du 19ème siècle

1) le décor urbain

L’évocation d’une ville indéterminée à valeur générale :
- Le déterminant défini à valeur générique du titre : « la ville »
- Des termes géographiques qui identifient différents éléments de la ville moderne : v7 ponts musclés de fer, v11 des faubourgs, v25 un fleuve, v31 des quais, v43 gares.

L’architecture urbaine évoquée d’une façon fragmentée :
La métonymie des toits pour désigner les maisons v12
Les périphrases qui désignent indirectement des entités en les décomposant : v9 à 10 les monuments, v17 à 19 les réverbères

Cette fragmentation permet de faire ressortir le caractère géométrique du paysage urbain :
- Le champ lexical de la géométrie : les lignes brisées (toits v12 rimant avec angles droits v13), des volumes (blocs, colonnes v9, cubes v34), la verticalité (tours v11, debout v15, poteaux, grands mâts v19).

2) un paysage urbain saturé

Les effets de démultiplication qui suggèrent l’entassement dans la ville et l’explosion urbaine :
Pluriel (déterminants)
Enumération, conjonction « et » -> entassement (gradation)
Structure des strophes : anaphores -> accumulation de propositions, juxtapositions renforcées par la reprise anaphorique du présentatif « ce sont ».

3) Une ville saturée par son activité incessante :

Une ville en construction :
L’image d’une ville en construction v2 « ses étages en voyage »
L’image d’une ville en extension et animalisée : l’adjectif « tentaculaire » v14 et 48
Une ville caractérisée par un mouvement permanent :
Le champ lexical du mouvement : lancés, bonds, bougent, bat, glissent, passent, filent, vole (aux vers 41, 42 les verbes sont mis en valeur par la proposition des sujets).
Le champ lexical des moyens de transport : navires, fourgons, tombereaux, chevaux, roue, trains.
Le rythme du vers 42 un octosyllabe mime la rapidité des déplacements.
La métaphore du vers 47 « un réseau clair d’éclairs » pour décrire les voix ferrés suggère par la lumière intense et furtive des éclairs la rapidité permise par les chemins de fer.


II- Un poème qui montre les aspects négatifs et hostiles de la ville industrielle

1) L’accent est mis sur les conséquences néfastes de l’activité industrielle

La pollution plonge la ville dans l’obscurité et fait perdre à l’eau sa transparence :
Les compléments circonstanciels de lieu « du faon des brumes »v1, « dans le brouillard » v28
L’image du soleil v24 et 25 ; renforcée par la rime entre « fermée » et « fumée ».
Le champ lexical de la noirceur : charbon, fleuve de naphte et de poix, la rime ombre, sombres v33 et 36.

2) Une atmosphère agressive

Le hiératisme imposant de l’architecture :
La récurrence du verbe dresser v13, 36 et 43.

Tout un jeu d’images poétiques confère aux éléments architecturaux une certaine hostilité :
L’image v7 et 8 qui attribuent aux ponts les caractères des animaux de proie
La comparaison du v40, l’image du v36

Le caractère agressif des bruits de la ville est mis en relief :
Le champ lexical des bruits stridents est renforcés par des termes comprenant les sons (s), (f), (k), (g) : v27 sifflets crus, v31 quais sonnent aux chocs, v32 grincent comme des gonds.

3) La ville apparaît comme un lieu d’égarement et de perdition

L’idée d’un lieu piégé dans lequel on peut être englouti est contenue implicitement dans certaines expressions :
L’adverbe « soudain » du v34, l’expression «  sous-sol de feu »
Le vers 35
La comparaison des gares à des puits et des cratères v46

L’idée d’un lieu qui peut égarer par son immensité, sa complexité et la perte des repères est aussi induite par certaines expressions :
v3 l’adverbe immensément, v30 l’idée d’espaces multiples et indéterminés
Les images de réseaux complexes : v45 « rails ramifiés », v47 « réseaux clairs d’éclairs », l’adjectif « tentaculaire ».