Commentaire composé : Alexandre Dumas : Kean, Ou désordre et Génie ..

Introduction :

Alexandre Dumas est un auteur du XIXe siècle, qui écrivit le drame romantique "Kean, ou Désordre et génie" sur le modèle des pièce conçues par Victor Hugo. Cet extrait de texte est en prose, et cyclique, c’est à dire qu’il commence, et se termine par la même expression. C’est d’ailleurs une tirade de Kean, considérée comme un monologue, car il ne laisse pas la parole à son interlocuteur. De registre argumentatif, ce texte possède un ton empli d’ironie.

I. Opposition des deux personnages, Kean et Mewill
II. La Condition des artistes à cette époque

I. L’OPPOSITION ENTRE LES DEUX PERSONNAGES

a) Sur le plan social

Kean veut mesurer la distance qui le sépare de Mewill. Elle est présentée comme hypothèse de départ, et comme conclusion, puisque le texte est cyclique, mais tout de même avec quelques nuances : "Il y a trop de distances entre nous" au début, qui se transforme à la fin en "il y a trop de distance entre ces deux hommes". "Entre ces deux hommes" marque une plus grande distance que "nous", puisque ce dernier suppose une fusion des deux personnages dans un même pronom personnel. A la fin, la distance est objective.

L’opposition est fondée sur plusieurs "critères" : 1- L’origine des personnages L’énumération des privilèges de Mewill confirme son origine noble :"le blason, le nom, la couronne comtal, le titre..." Alors que Kean n’a aucun nom, et n’a aucune fortune. A leurs origines, les personnages sont différents : l’un possède, et l’autre pas. 2- La position des personnages dans la société Lord Mewill est caractérisé par le champ lexical de la descente : "a descendu ; une affaire de bagne et de galère ; descendre parmi le peuple ". Kean est caractérisé au contraire par le champ lexical de la montée, alors qu’il est né bas ("sur le grabat du peuple"), il est en pleine ascension : "s’est fait un nom égal au plus noble nom". Donc l’un "monte" et l’autre "descend", confirmé par les champs lexicaux antagonistes du haut et du bas. 3- Opposition économique et financière : "Lord Mewill a mangé la fortune" => le temps est passé, et "a mangé" est péjoratif et symbolique. Ce verbe semble donner l’impression d’une boulimie. Plus il a d’argent, et plus il en mange... Quant à Kean : "une fortune qui, du jour où il le voudra bien, peut rivaliser avec celle du prince royal..." => il est en pleine ascension financière, et l’usage du futur marque une volonté d’un avenir financier. Il se projette dans le futur, contrairement à Mewill.

Toutes les oppositions sont soulignées : en quatre reprises, Kean dit "tandis que". Cette anaphore marque l’antithèse, sans jugement. Car celui-ci est marqué par "cela n’empêche pas" qu’il répète deux fois dans l’extrait. C’est un jugement de valeur, il critique le système anglais, et lui reproche d’accepter des personnes comme Mewill, juste parce qu’ils possèdent un rang social élevé du à leurs ancêtres.

b) Sur le plan moral

Il y a une comparaison des deux personnages au niveau d’Anna. Cette jeune femme est une actrice qui a recherché la protection de Kean. La relation Anna/Mewill est un rapport de force, comme le prouve le champ lexical de la force :"il l’a fatiguée de son amour, poursuivie de ses prétentions, écrasée de son influence." Par contre, la relation Anna/Kean est basée sur la bonté : "qu’il l’a reçue chez lui ....entrée". Le champ lexical de la générosité définit le type de relation de ces deux personnages. Et dans les deux cas, le fait que Anna soit sans défense est souligné :"belle et sans défense" - "jeune et sans défense". Puisqu’elle est identique, la différence est le comportement moral des deux hommes, l’un scrupuleux, l’autre presque adorable (comme Luna :-)).

Kean essaie de démontrer en quoi consiste la malhonnêteté et l’honnêteté Le champ lexical du camouflage est associé à Mewill : "prête-nom, fausse signature". Le champ lexical sur le thème du masque est allié à Kean : "arrache le masque à tous visages, au théâtre comme à la taverne". "hypocritès" (en grec), au théâtre est celui qui porte un masque. Son métier le force à jouer quelqu’un qu’il n’est pas, mais il est sincère dans la vie.

La justice Elle est bafouée par Mewill, et pourtant, il peut être à l’origine des lois, puisqu’il est à la chambre des Lords : "a son siège à la Chambre suprême, fait et défait les lois de notre vieille Angleterre". Il y a une contradiction entre la charge qu’il possède et sa nature. L’idée est renforcée lorsque Kean s’exclame : "soit qu’il rougisse des ses aïeux, soit qu’il ne veuille pas les faire rougir...". Kean a même honte qu’il existe des lords comme Mewill. Kean inverse le vocabulaire : "sur mon honneur", il reprend à son compte un vocabulaire noble. Pour lui, la noblesse n’est pas une question de naissance ou d’ancêtre, mais une question de coeur.

II. LA CONDITION DE L’ARTISTE

a) Le métier de comédien

Le métier de comédien est définit par trois mots :
saltimbanque : celui qui danse sur une table
bateleur : quelqu’un qui joue dans la rue
l’histrion : celui qui revêt la peau d’un autre Ces termes définissent les étapes de la carrière de Kean, les termes sont d’ailleurs mis de bateleur à histrion dans l’ordre du texte. Bateleur : Kean a été trouvé dans la rue, il est né dedans. Saltimbanque : il a proposé à une future comédienne de se réfugier chez lui. Histrion : il arrache les masques, notamment celui de Mewill Chaque mot a une relation avec la vie privée et les étapes de Kean.

Le paradoxe de la célébrité : le nom Mewill a eu un nom célèbre par ses ancêtres. Kean s’est fait un nom mais celui-ci n’a pas de prestige, la célébrité d’un artiste est quelque chose de fragile, qui ne donne pas une place sociale.

Le but de son métier "arracher les masques" => le comédien révèle la vérité. La tirade est de plus jalonnée par des "il est vrai" (cinq fois en tout)

Un métier populaire... Mewill prend le nom d’un artiste pour passer inaperçu et se faire accepter dans le peuple. ... C’est un nom pour rire, c’est un pseudo (faux) - nyme (nom).

b) La force du langage

Un homme se bat à l’épée, et un comédien grâce à son langage. Le paradoxe "lorsque l’histrion offre à Lord Mewill de ne rien dire de tout cela, à la condition qu’il lui fera satisfaction d’une insulte..." => Kean était prêt à se taire pour se battre. Mais comme Mewill a refusé, c’est un duel de langage qui a pris place entre nos deux compères. Ce paradoxe justifie la tirade.

La tirade est construite comme un réquisitoire : Il invoque des sanctions possibles pour les choses commises : "bagne et galère" pour faux et usage de faux "dont la société......justice" L’usage du conditionnel prouve que le choix n’aura pas lieu car Mewill définit les lois. Kean ne croit pas à la justice de son pays, il se fait justice lui-même.

La tirade est articulée en trois étapes argumentatives : "il est vrai que..." => révélations : Mewill a commis des crimes Evocation de la situation de Kean pour souligner le paradoxe Conclusion => cela n’empêche pas que... Le verdict de la société : le criminel est honorable.

Le ton est pathétique, Kean subirait un préjudice, il dénonce l’injustice d’une société qui tolère les gens de la même famille de Mewill. L’usage du présent montre que la situation est d’actualité, donc que Kean exprime les pensées de l’auteur.

Kean emploie artifices et astuces pour empêcher Mewill de se défendre : Il monopolise la parole, et ne la lui adresse que deux fois. Le reste est à la troisième personne comme un avocat parle des gens qu’il accuse lors d’un procès. De plus, les points de suspension laisse planer un doute.....comme un sous-entendu sur le fait que Mewill a fait pire que les révélations de Kean.

L’ironie "c’est bien répondu, il y a trop..." Il met le public de son côté, les distances sont morales

Conclusion :

L’intérêt de ce texte est qu’il montre qu’Alexandre Dumas "parle de loin", pour reprendre l’expression de La Fontaine dans une de ses fables. Il critique par ses personnages l’Angleterre, bien qu’il faille comprendre que c’est la France, notre cher pays qui est visé. A cette époque, Louis Philippe avait d’ailleurs été victime d’un attentat. Opinion personnelle (à changer suivant votre style !) : Il y a une qualité d’écriture, le réquisitoire est percutant, le thème de l’honneur est aussi présent dans les 3 mousquetaires et le comte de Monte-Christo.

Alexandre Dumas propose une vision de l’artiste différente de celle qu’on a au XXe siècle. Comme le personnage de Nina dans La Mouette de Tchékhov, méprisée par l’écrivain et l’artiste au sommet, on voit que la place sociale des artistes au XIXe siècle est faible.

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