Commentaire composé : l'Encyclopédie : article "prêtres" de Holbach

Texte étudié :

PRÊTRES (Religion & Politique.) on désigne sous ce nom tous ceux qui remplissent les fonctions des cultes religieux établis chez les différents peuples de la terre.
Le culte extérieur suppose des cérémonies, dont le but est de frapper les sens des hommes, & de leur imprimer de la vénération pour la divinité à qui ils rendent leurs hommages. La superstition ayant multiplié les cérémonies des différents cultes, les personnes destinées à les remplir ne tardèrent point à former un ordre séparé, qui fut uniquement destiné au service des autels; on crut que ceux qui étaient chargés de soins si importants se devaient tout entiers à la divinité; dès - lors ils partagèrent avec elle le respect des humains; les occupations du vulgaire parurent au - dessous d'eux, & les peuples se crurent obligés de pourvoir à la subsistance de ceux qui étaient revêtus du plus saint & du plus important des ministères; ces derniers, renfermés dans l'enceinte de leurs temples, se communiquèrent peu; cela dut augmenter encore le respect qu'on avait pour ces hommes isolés; on s'accoutuma à les regarder comme des favoris des dieux, comme les dépositaires & les interprètes de leurs volontés, comme des médiateurs entre eux & les mortels.
Il est doux de dominer sur ses semblables; les prêtres surent mettre à profit la haute opinion qu'ils avoient fait naître dans l'esprit de leurs concitoyens; ils prétendirent que les dieux se manifestaient à eux; ils annoncèrent leurs décrets; ils enseignèrent des dogmes; ils prescrivirent ce qu'il fallait croire & ce qu'il fallait rejeter; ils fixèrent ce qui plaisait ou déplaisait à la divinité; ils rendirent des oracles; ils prédirent l'avenir à l'homme inquiet & curieux, ils le firent trembler par la crainte des châtiments dont les dieux irrités menaçaient les téméraires qui oseroient douter de leur mission, ou discuter leur doctrine…

Commentaire composé :

Ce récit philosophique de D’Holbach écrit en 1765, tiré de l'Encyclopédie, expose de manière subjective le point de vue de l’auteur sur les religions pendant le siècle des lumières. En effet D’Holbach dans cet article de l’Encyclopédie parle de façon critique voire ironique des religions. Il fut d’ailleurs qualifié de « spinoziste » ce qui était synonyme à l’époque d’athée. À travers ce récit D’Holbach fait une critique subjective du pouvoir qu’exerce la religion sur les fidèles.
Peut-on qualifier ce récit philosophique, d'article des Lumières ?

La subjectivité apparaît dans cet article dés le début premier paragraphe (ligne5). En effet, les trois premières lignes constituent une définition objective des « Prêtres». « On désigne » à la première ligne universalise ce point de vue en montrant clairement que les critiques de l’auteur seront adressées aux Prêtres catholiques mais aussi aux représentants des autres religions. La description ironique des prêtres se fait par gradation. L’auteur commence en effet à faire le portrait de ce que devrait être un prêtre d’après le dogme et finit par la dénonciation de la prise de pouvoir au niveau religieux et politique sur les fidèles. À la ligne 6 les verbes « frapper » et « imprimer » montrent bien que l’auteur pense que les fidèles « subissent » le dogme enseigné par les prêtres. D’Holbach remplace même le mot « foi » par le terme « superstition » à la ligne 7, il veut nous montrer que les fidèles rendent leurs hommages à la divinité et prient pour des choses qu’ils n’ont jamais vues. Il évoque aussi la hiérarchie au sein des religions. Le peuple, « le vulgaire » se situe en bas de la pyramide alors que les ecclésiastiques, eux, sont au sommet. D’Holbach expose son point de vue tout en se montrant prudent puisqu’il place des modalisateurs dans le texte au sein des phrases, faisant référence aux coutumes des religions, « suppose » ligne 1, « on crut » ligne 10, « se crurent obligés » ligne 14, « dut augmenter » ligne 17 et « ils prétendirent » à la ligne 24. D’Holbach dénonce les problèmes liés à l’argent dans la religion aux lignes 14 et 15 « se crurent obligés de pourvoir à la subsistance de ceux qui étaient revêtus du plus saint et du plus important des ministères ». L’auteur dénonce également la cohabitation scandaleuse entre l’état et la religion, « favoris » à la ligne 18, cette idée est très moderne car ne l’oublions pas, la séparation entre l’Eglise et l’état date de 1905 alors que ce texte a été rédigé en 1765. L’utilisation du mot « mortel » renforce l’idée de hiérarchie et rend même les prêtres immortels eux mêmes. Ils deviennent des dieux. Dans le deuxième paragraphe, à la ligne 24, le modalisateur « ils prétendirent », D’Holbach veut montrer que les prêtres ne disent pas forcément la vérité, les fidèles doivent croire sans preuves. Quoi que les prêtres disent ceux qu’ils ont asservis vont les croire et mettre en pratique les règles énoncées. L’auteur fait allusion aux sectes en parlant des religions en général à la ligne 28 « ils prédirent l’avenir à l’homme inquiet et curieux », en effet lors d’une dépression les personnes se laissent manipuler et finissent par entrer dans une secte. De la ligne 28 jusqu’à la fin du texte D’Holbach montre que dans certains aspects, la religion fait penser à une dictature, «ils le firent trembler par la crainte des châtiments dont les dieux irrités menaçaient les téméraires qui oseraient douter de leur mission ou discuter leur doctrine… ». Il veut monter que le pouvoir religieux est fondé sur la soumission et la force.

Ce récit philosophique tiré de « l'encyclopédie » est résolument moderne, car à cette époque, une très grande majorité de personnes pratiquait une religion. Etre athée à cette époque était presque inimaginable. D’Holbach expose son athéisme avec beaucoup de subjectivité. La modernité de ce texte liée à la subjectivité de l’auteur montre l’appartenance de cet article au siècle des Lumières.