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Époque : Non définie
Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire.
D’abord, - parce qu’il importe de retrancher de la communauté
sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire
encore. - S’il ne s’agissait que de cela, la prison perpétuelle
suffirait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu’on peut s’échapper
d’une prison ? faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à
la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries
?
Pas de bourreau où le geôlier suffit.
Mais, reprend-on, - il faut que la société se venge, que la société
punisse. - Ni l’un, ni l’autre. Se venger est de l’individu,
punir est de Dieu.
La société est entre deux. Le châtiment est au-dessus d’elle,
la vengeance au-dessous. Rien de si grand et de si petit ne lui sied. Elle ne
doit pas "punir pour se venger" ; elle doit corriger pour améliorer.
Transformez de cette façon la formule des criminalistes, nous la comprenons
et nous adhérons.
Reste la troisième et dernière raison, la théorie de l’exemple. - Il faut faire des exemples ! il faut épouvanter par le spectacle du sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter !
Voilà bien à peu près textuellement la phrase éternelle
dont tous les réquisitoires des cinq cents parquets de France ne sont
que des variations plus ou moins sonores. Eh bien ! nous nions d’abord
qu’il y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise
l’effet qu’on en attend. Loin d’édifier le peuple,
il le démoralise, et ruine en lui toute sensibilité, partant toute
vertu. Les preuves abondent, et encombreraient notre raisonnement si nous voulions
en citer. Nous signalerons pourtant un fait entre mille, parce qu’il est
le plus récent. Au moment où nous écrivons, il n’a
que dix jours de date. Il est du 5 mars, dernier jour du carnaval. À
Saint-Pol, immédiatement après l’exécution d’un
incendiaire nommé Louis Camus, une troupe de masques est venue danser
autour de l’échafaud encore fumant. Faites donc des exemples !
le mardi gras vous rit au nez.
Hugo - Le dernier jour d'un condamné - Préface
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